Saint Jean Bosco, grand saint éducateur fêté le 31 janvier est aussi l'un des fondateurs des patronages. Il fait aujourd’hui référence pour de nombreux chrétiens qui souhaitent s’occuper d’éducation à travers le patronage.

Nous vous proposons de découvrir ce texte, publié dans la revue Le Patronage en juin 1934, qui permet d’approfondir sa vision de l’éducation et du jeu.
Ce texte apportera une richesse particulière à ceux qui souhaitent réfléchir à l’importance du jeu dans l’éducation, à la lumière de ce grand saint éducateur.
Dans nos oeuvres de jeunesse, le jeu occupe une place centrale.
La devise des patronages n'est-elle pas « Ici l’on joue et l’on prie » ? Grâce à l’enseignement de Saint Jean Bosco, nous comprenons mieux que le jeu est au cœur de son approche éducative.
L’amour du jeu chez Saint Jean Bosco
Saint Jean Bosco a toujours eu une passion pour le jeu. Dès son enfance, il ressentait intuitivement que le jeu lui apportait des bienfaits inestimables. La Sainte Vierge lui montre, en rêve, une scène d’enfants en récréation. Ce sont par le jeu, d'abord dans le verger de son père, puis dans la ferme où il travaille, qu’il attirera les enfants pour les évangéliser. En tant que jeune étudiant, il sera aussi l'âme des distractions du groupe d'amis « la Joyeuse Union » qu’il a fondé.
En tant que directeur de patronage ou de collège, il incarnera l’esprit des jeux dans ses œuvres de jeunesse et dans ses internats.
Un de ses anciens élèves raconte : « Quel bonheur de le voir parmi nous ! Il ne faisait aucune distinction entre les enfants : peu importe l’âge, l’habit, ou la personnalité, il était là pour tout le monde. Il lançait les jeux, sautait d’un groupe à l’autre selon les besoins, défiait les enfants à courir, et créait des jeux endiablés, captivant les enfants par mille inventions. Il ne cessa de jouer avec nous jusqu’en 1868, à 53 ans, lorsque ses jambes variqueuses l’en empêchèrent. »
Le jeu : un allié indispensable de l’éducateur
Le jeu, dans sa pensée, n’était pas seulement une amorce pour attirer l’enfant, ni de chercher à occuper les heures creuses de la journée, disons le mot : indispensable. Don Bosco voyait en effet dans le jeu un des plus puissants facteurs de la joie, de cette joie qu’il voulut toujours à la base de son système éducatif. Il aurait volontiers souscrit aux paroles de Dupanloup : « Je place le jeu parmi les grands moyens d’éducation. »

Les conditions d’un jeu éducateur selon saint Jean Bosco
A quelles conditions le jeu procurera-t-il à l’enfant, à l’adolescent ces bienfaits d’ordre physique et moral ? Saint Jean Bosco le précise : à condition, d’être général, honnête, libre, mouvementé mais modéré. Saint Jean Bosco voulait voir jouer tous les enfants. « On désire vivement, écrit-il dans son premier règlement de Patronage, que tous les enfants prennent part au jeu. » Donc pas de clubs, pas de petits groupes fermés, pas de péripatétisme. On ne peut, dans ces conversations, qu’ébrécher la charité ou la pureté. « Pris chacun à part, vous êtes trois bons enfants ; ensemble, vous êtes trois petits coquins : allez vite jouer », disait-il un jour à trois enfants qu’il découvrait assis sur une poutre de construction. Pur hasard que ce trio se trouvât assis, car le Bienheureux ne tolérait aucun banc, aucun siège en cour de récréation. Les enfants qui, pour des motifs plausibles, ne peuvent jouer, qu’ils se promènent avec ceux de leurs maîtres que leur âge ou leur santé écartent des jeux.

Le jeu honnête
Ces activités ludiques, auxquels doit s’adonner les enfants, saint Jean Bosco les veut d’abord honnêtes, vraiment éducateurs. De ce fait, il proscrit donc sans pitié trois espèces d’amusements : les jeux de hasard, propres à développer une des passions les plus tyranniques de l’homme, les amusements qui portent les mains sur la personne d’autrui, et les jeux violents, massacreurs.
Donc, pas de jeux de cartes, pas de match de boxe, pas de saute-mouton, pas de jeux où l’on se prend par la taille, ni de batailles rangées à coups de cailloux, de boules de neige ou d’autres projectiles. Le jeu doit aider à façonner un chrétien, pas à le détruire.
Voici d’ailleurs les textes mêmes du grand éducateur :
« Il est particulièrement défendu de se disputer, de se battre, de porter les mains sur ses compagnons … »
« Crier de façon immodérée, troubler les jeux des autres, lancer des pierres, des boules de neige, des morceaux de bois, endommager les arbres, les inscriptions, salir les murs ou les meubles, y dessiner au charbon ou autrement des images quelconques sont autant de choses tout à fait interdîtes… »
« Sont aussi interdits ces jeux, ces sauts, ces courses qui, de quelque façon, pourraient compromettre la santé ou la moralité des élèves… »
Le jeu libre
Ne nous méprenons pas sur le sens de cette expression : jeu libre. Dans bien des patronages on indique par là les courts moments entre deux jeux organisés, où nous laissons les enfants s’ébattre à leur fantaisie. Nous avons vu que saint Jean Bosco y était opposé en principe, puisqu’il prônait le jeu général, et à son exemple nous évitons, dans nos œuvres, de leur donner une trop longue durée dans l’organisation de l’après-midi.
Mais ce que saint Jean Bosco souhaitait – et en cela il était fidèle à l’une des grandes directives de sa pédagogie – c’est qu’en récréation on laissât aux enfants, une fois sauvegardés les principes de moralité, la plus grande liberté dans le choix de leurs amusements : ampia liberta. « Jouez tous, leur dit-il, mais au jeu qui vous plaît ». Dupanloup ne pensait pas autrement : « Toute apparence de contrainte dans le jeu devient odieuse aux enfants. C’est encore le grand évêque d’Orléans qui notait : « Les jeux sont l’asile de la liberté de la jeunesse. »
« Je n’ai jamais vu d’éducateurs mieux respectés, que ceux qui prennent part aux jeux de leurs élèves. »Monseigneur Dupanloup
Donc c’est aux enfants à choisir – d’où l’utilité des conseils de petits chefs où se décide l’emploi du temps. – Plus les enfants auront d’initiative à ce sujet et plus leur jeune liberté trouvera là une précieuse occasion de s’exercer. N’est-ce pas Wellington, le Duc de fer, qui disait en montrant sa cour de jeux, à Etton, et en faisant allusion à toutes les facultés d’initiative qu’elle avait développées en lui : « C’est ici que j’ai appris à battre Napoléon ». Est-ce à dire que les surveillants, les séminaristes, le directeur même ne pourront pas se mêler aux jeux ? Au contraire, et saint Jean Bosco souhaitait les voir eux aussi, se mêler à l’une des parties engagées.
Le jeu mouvementé mais modéré
De saint Jean Bosco on a souvent cité ce mot emprunté à saint Philippe Neri : « Chantez, criez, dansez, agitez-vous; l’important est que vous n’offensiez pas le Bon Dieu. » Mais si ardent que fut son désir d’entendre les· cris, les rires, les éclats de la jeunesse, il était trop ami de l’équilibre et de la sage raison pour ne pas mettre ses fils en garde contre l’excès du jeu. Il veillait donc attentivement à ce que ses jeunes gens ne s’y jetassent pas avec furie, ne vécussent pas que pour cette heure de fièvre, qui, dans ce cas, serait fatalement une heure d’épuisement.
Un jour, il trouva, dans un coin de la cour, un de ses meilleurs élèves, le petit Bésucco réduit en piteux état, battant de l’aile et la figure tout abîmée. Il comprit vite de quoi il retournait. L’enfant, ayant entendu dire que la récréation plaisait au Bon Dieu, s’y était donné sans mesure. Dans un sourire saint Jean Bosco lui glissa : « Mon petit François, on apprend à jouer petit à petit : vas-y donc doucement. Le jeu est fait non pour abîmer le corps, mais pour le refaire. » Fénelon ne pensait pas autrement, qui disait : « Ceux qui, par malheur, s’habituent aux plaisirs violents ne trouvent plus de goût aux plaisirs modérés. On peut gâter son goût du jeu, comme on se gâte le palais, par l’excès de nourriture. Les plaisirs es sont moins vifs et sensibles, c’est vrai, mais ils sont toujours bienfaisants. »
Avec Saint Jean Bosco, on joue et on se confesse !
« La supériorité morale de nos établissements, écrivait un jour Mgr Baunard, consiste en ceci qu’on s’y confesse et on y joue ». Saint Jean Bosco eût partagé pleinement cet avis. Jusqu’au terme de ses jours, on le vit travailler à assurer à sa maison ce double avantage.
Et, de la galerie où se dressait son dernier confessionnal, installé à dessein pour qu’il apercevoir les jeux de ses enfants, il penchait vers eux son bon sourire, les encourageait de sa présence et de son regard et se délectait, avant de mourir, à ce réconfortant spectacle qui ramenait sa pensée à cinquante ans en arrière : une cour battant son plein, une armée d’enfants chantant, criant, courant, ivres de jeunesse et servant leur Seigneur et Maître a joie d’une vie pleinement épanouie…

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