Le sport et les patros
- Cédric Maunand
- 30 juin
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 juil.
Le 15 juin 2025, à l'occasion du jubilé des sportifs, le pape Léon XIV a merveilleusement valorisé dans son homélie la pratique sportive : « toute bonne activité humaine porte en elle un reflet de la beauté de Dieu, et le sport en fait certainement partie. » nous dit-il en faisant un remarquable parallèle entre la Trinité et le Sport : « le sport peut nous aider à rencontrer Dieu Trinité : parce qu'il exige un mouvement de soi vers l'autre, certes extérieur, mais aussi et surtout intérieur. »

Dans la perspective du développement des patronages comme lieu d'éducation intégrale, il est bon de rappeler que la pratique sportive en France s'est beaucoup démocratisée sous l'impulsion de ces œuvres de jeunesse.
Combien de clubs de football, aujourd'hui très bien classés, parfois professionnels sont nés au début du XXe siècle dans les patronages ? De même pour le basket, arrivé des États-Unis en France suivant l'intuition d'un prêtre de patronage parisien. Même constat pour les clubs de gymnastique qui se sont développés dans de nombreuses œuvres de jeunesse.
La pédagogie des patronages, depuis toujours développe une approche intégrale du sport, comme un outil d’éducation. Ils sont donc des lieux propices pour développer le sport !
De nombreuses figures chrétiennes en France ont d'ailleurs été des marqueurs du développement de la pratique sportive. Nous pensons à Jules Rimet qui créa la Fédération Française de Football et fut président de la FIFA pendant plus de 30 ans mais aussi à Paul Michaux (aidé de deux professeurs de l'Institut catholique de Paris François Hébrard et Albert de Lapparent) qui créa le premier concours de gymnastique inter patronages qui deviendra en 1903 la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France (FGSPF).
Pourquoi les patronages ont-ils largement participé à l'essor de la pratique sportive en France ?
⮕ Parce que le sport répond à de nombreux défis éducatifs et spirituels.
Les enjeux sont importants : En effet, selon le ministère de la Santé 37 % des 6-10 ans et 73 % des 11-17 ans n’atteignent pas les standards d’activité physique recommandés par l’Organisation mondiale de la santé de 60 minutes d’activité d’intensité modérée à soutenue chaque jour. En 25 ans, les enfants ont même perdu 40 % de leurs capacités cardio-vasculaires.
Les patronages doivent donc redevenir des lieux où la pratique sportive est au cœur du projet éducatif.
Le sujet est vaste.
Il fera l'objet d'une série d'articles.
Nous vous proposons aujourd'hui de vérifier les bienfaits de la pratique sportive dans toutes les dimensions de l'Homme. Il faut distinguer ici l'éducation globale, qui prend en compte toutes ces dimensions, les unes à côté des autres, de l'éducation intégrale, qui les prend en vue de leur finalité qu'est la relation à Dieu.
Dimension physique
Les bienfaits d'une activité sportive sur la santé sont reconnus. Pratiquer un sport permet le développement musculaire, mais aussi un certain nombre de capacités physiques plus spécifiques comme le développement de la motricité, de la souplesse, de l'agilité et de la détente… Le sport participe à un mode de vie sain qui mène à une bonne santé. Essentielle pour lutter contre le stress et renforcer la confiance en soi, la pratique sportive aide également à prévenir et améliorer la santé mentale.
En ce sens, le sport est une activité éducative par excellence, car il mène à un perfectionnement du corps humain. Si nous prenons une hauteur chrétienne, nous comprenons que le sport permet aussi d'accepter son corps dans sa dimension incarnée. Dieu nous a fait homme et femme, chacun avec un corps qui est unique et don de Dieu.
Rappelons ici que le sport est l'un des rares domaines de non-mixité. C'est donc un lieu où l'on peut expérimenter simplement les différences hommes/femmes et déployer ses talents suivant nos conditions personnelles et physiques propres.
C'est aussi un lieu d'apprentissage de ses limites personnelles et des limites des autres.
Le sport adapté offre également aux personnes en situation de handicap un espace d'épanouissement et d'inclusion où elles peuvent développer leur confiance en soi, créer des liens sociaux précieux et se redéfinir par leurs capacités plutôt que par leurs limitations. Bien que cette pratique les confronte inévitablement à leurs propres défis physiques ou sensoriels, elle devient paradoxalement un puissant catalyseur de dépassement personnel, transformant leur rapport au handicap en une relation plus apaisée et constructive.
Dimension intellectuelle
La dimension intellectuelle du sport est un aspect souvent sous-estimé mais fondamental de la pratique sportive. Elle englobe plusieurs composantes qui vont bien au-delà de la simple exécution physique.
Face à l'appauvrissement du vocabulaire qui creuse les inégalités sociales et limite l'expression de la pensée, le sport constitue ainsi un terrain d'enrichissement linguistique remarquable où chaque discipline développe un lexique technique précis et spécialisé qui permet à chacun d'acquérir un vocabulaire riche dépassant le cadre sportif.
Ainsi, un jeune rugbyman apprend à maîtriser des termes comme "mêlée", "touche", "chandelle", "plaquage" ou "pénalité", développant par là même sa capacité à analyser des situations complexes, à nommer des phases de jeu précises et à communiquer efficacement des stratégies collectives.
Chaque sport exige également une compréhension fine des règles, des situations de jeu et des possibilités d'action. Un joueur de tennis doit analyser en temps réel le jeu de son adversaire, anticiper ses coups et adapter sa stratégie. De même, un footballeur doit lire le jeu, identifier les espaces libres et prendre des décisions tactiques rapides.
Dimension sociale
Face à la solitude croissante des jeunes et aux défis posés par l'omniprésence du numérique - intelligence artificielle, réseaux sociaux - qui peuvent paradoxalement isoler davantage, le sport est un outil précieux qui permet d'ancrer l'Homme dans le réel. Si nous prenons l’exemple des sports collectifs (football, rugby, basketball et handball par exemple), la pratique en groupe devient ainsi un rempart efficace contre l'isolement et l'individualisme ambiant, transformant les terrains de jeu en véritables laboratoires de fraternité où l'esprit d'équipe s'apprend et se vit au quotidien, offrant une alternative tangible à un monde de plus en plus virtuel.
Faire du sport, c'est aussi apprendre la gestion de la frustration, mais aussi la gestion des conflits, avec notamment le rôle de l'arbitre et le rapport à la règle.
Le sport permet d'appréhender la gestion de l'échec et de la victoire. Il enseigne à perdre, en confrontant l'homme, dans l'art de la défaite, à l'une des vérités les plus profondes de sa condition : la fragilité, la limite, l'imperfection. Cela est important, car c'est à partir de l'expérience de cette fragilité que l'on s'ouvre à l'espérance nous rappelle Léon XIV. "L'athlète qui ne se trompe jamais, qui ne perd jamais, n'existe pas. Les champions ne sont pas des machines infaillibles, mais des hommes et des femmes qui, même lorsqu'ils tombent, trouvent le courage de se relever."
Même si le sport mène a priori vers le perfectionnement d'un savoir-faire, certains sports sont également propices pour apprendre un savoir-être. Prenons l'exemple du judo, qui prône des valeurs telles que la maîtrise de soi et le respect, éléments au moins aussi importants que les prises de judo.
Il porte des valeurs telles que la persévérance, l'effort, la perfection du geste, le dépassement de soi.
Pour les éducateurs, le sport peut être un révélateur. C'est en aiguisant son regard sur le jeune ou le groupe qui lui est confié. qu’un éducateur réussira à comprendre et mieux accompagner l’enfant qui lui est confié :
Cet enfant est-il plus sport collectif ou sport individuel ?
Arrive-t-il à gérer sa défaite ?
Sait il gagner en bon joueur ?
A-t-il une bonne vision du jeu ?
Sait il se dépasser physiquement ?
Avec confiance, souligner les réussites et, en cas d’échec, stimuler les capacités à le dépasser. Redonner confiance en soi et dans les autres : « Sans affection, pas de confiance, sans confiance, pas d’éducation », affirmait sait Jean Bosco. Là est le rôle essentiel de tout éducateur dans un patronage.
Dimension spirituelle
Revenons au lien du pape Léon XIV entre le sport et la foi. Ce n'est pas un hasard si, dans la vie de nombreux saints de notre temps, le sport a joué un rôle important, soit comme pratique personnelle, soit comme moyen d'évangélisation. Nous pensons notamment à saint Jean-Paul II mais aussi au bienheureux Pier Giorgio Frassati, patron des sportifs, qui sera proclamé saint le 7 septembre prochain. « Sa vie, simple et lumineuse, nous rappelle que, tout comme personne ne naît champion, personne ne naît saint » nous rappelle Léon XIV.
Le sport permet en effet l'appréciation des capacités de réussite de chacun, il réordonne notre rapport au temps long.
Le sport révèle une vérité fondamentale sur la liberté à travers son rapport aux règles : contrairement à ce que nous pouvons penser, les limitations imposées par le règlement ne brident pas l'expression mais la rendent possible, car sans ces cadres structurants, aucun jeu ne pourrait exister ni se déployer pleinement. Cette discipline collective devient ainsi un terrain d'apprentissage de la liberté véritable, celle qui s'épanouit dans le respect des contraintes partagées et permet à chacun de s'exprimer dans un cadre défini.
Pour certains, cette pratique encadrée révèle également des talents insoupçonnés, transformant les limites du règlement en opportunités de découverte personnelle. Le sport démontre ainsi que la liberté authentique ne naît pas de l'absence totale de contraintes, mais de leur acceptation créative, permettant l'émergence du jeu, de l'expression et parfois même de l'excellence individuelle au service du collectif.
Le sport permet ainsi l'éveil de l'intériorité, par le silence, la concentration, les conseils, le recul, ce qui peut mener à un beau chemin de foi.
"Dai !" : l'impératif du don
Concluons avec cette belle réflexion du pape Léon XIV : « Pensons à une expression couramment utilisée en italien pour encourager les athlètes pendant les compétitions : les spectateurs crient « Dai ! » (Allez !). Nous n'y prêtons peut-être pas attention, mais c'est un impératif magnifique : c'est l'impératif du verbe "dare" (donner). Et cela peut nous faire réfléchir : il ne s'agit pas seulement de donner une performance physique, même extraordinaire, mais de se donner soi-même, de "se mettre en jeu". Il s'agit de se donner pour les autres – pour leur croissance, pour les supporters, pour les proches, pour les entraîneurs, pour les collaborateurs, pour le public, même pour les adversaires – et, si l'on est vraiment sportif, cela vaut au-delà du résultat. »
Ainsi, le sport apparaît comme un véritable outil d'éducation intégrale, touchant toutes les dimensions de la personne humaine et permettant aux patronages de remplir pleinement leur mission éducative.
Par sa richesse pédagogique et spirituelle, il constitue un moyen privilégié d'accompagner les jeunes dans leur croissance vers la sainteté, à l'image des grands témoins de notre temps.
Et puis rappelons-nous les paroles de saint Jean-Paul II, qui disait que Jésus est « le véritable athlète de Dieu », parce qu'il a vaincu le monde non par la force, mais par la fidélité de son amour !
Une prière à proposer dans vos patronages
Seigneur, Trinité sainte, source de toute vie et de tout mouvement,
guide mes pas sur le terrain comme dans la vie.
Inspire-moi la communion vraie, à l’image de l’amour entre le Père, le Fils et l’Esprit. Donne-moi la force de me donner sans compter, en offrant le meilleur de moi-même pour les autres.
Que chaque effort devienne un élan d’amour envers mes coéquipiers, mes adversaires et tous ceux qui regardent.
Apprends-moi à accueillir la défaite comme une occasion de grandir dans l’espérance. Fais que chaque chute soit pour moi un appel à me relever avec foi et courage.
Par l’exemple du bienheureux Pier Giorgio Frassati, entraîne-moi à aimer au quotidien, même dans la fatigue.
Que le sport soit pour moi un lieu de rencontre, de paix et d’élévation de l’âme. Par Marie, qui s’est toujours hâtée au service des autres, soutiens mon élan vers la vraie victoire.
Et qu’en toute chose, je coure vers toi, Seigneur, pour franchir avec mes frères la ligne d’un monde nouveau.
Amen
(prière proposée par le père Francisco Dolz,
prêtre du diocèse de Paris et directeur du patronage du Bon Conseil)
Retrouvez dans notre vidéo sur YouTube tous nos conseils pour mettre en pratique facilement une activité sportive dans vos patronages.


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